Quel juste prix? Entre salaire agricole minimum et accessibilité à l’alimentation pour toutes et tous

Face aux difficultés de 2022 mais soucieux de garder une certaine accessibilité des produits laitiers aux personnes ayant des difficultés financières, le Bercail a décidé d’augmenter le prix moyen de ses fromages à 3,5 €/pièce en 2023 mais de proposer une fourchette de prix pour son abonnement afin de favoriser la solidarité entre ses membres.

La question du juste prix des produits anime régulièrement les discussions au sein de La Coopérative du Chant des Cailles ces dernières années. En effet, il nous semble à la fois juste que chacun puisse accéder à une alimentation saine et durable, mais aussi que le fruit du travail agricole soit rémunéré à sa juste valeur. 

Des salaires agricoles justes

Les salaires agricoles restent parmi les plus bas de notre société alors que manger est un un besoin fondamental et constitue un acte quotidien à haute valeur sociale. Alors pourquoi ne donne-t-on pas plus de valeur à ce qui nourrit nos corps et nos relations? Bonne question…. 

En effet, selon une étude réalisée par Ivox en 2016, les agriculteurs wallons travaillent en moyenne 68 heures par semaine. Malgré ces très longues semaines, 1 agriculteur sur 3 n’avait pris aucun jour de vacances durant l’année écoulée. Au niveau financier, les revenus des agriculteurs sont souvent très faibles: 40% gagnent moins de 1.000 € par mois et 31% gagnent entre 1.000 et 1.500 euros par mois. 

En 2016, un agriculteur gagnait donc en moyenne 44% de ce que perçoit un travailleur non agricole avec un temps de travail bien supérieur. Apparemment, la situation s’est légèrement améliorée ces dernières années: le revenu des agriculteurs arrive maintenant à 65% de ce que perçoit un travailleur non agricole (https://etat-agriculture.wallonie.be/contents/indicatorsheets/EAW-A_I_c_5.eew-sheet.html#). 

Mais le temps de travail, lui, n’a pas diminué, ce qui diminue encore considérablement le salaire horaire. 

La Coopérative du Chant des Cailles a développé au fur et à mesure des années un modèle basé sur la coopération, la gouvernance partagée, l’intelligence collective et la solidarité. Les conditions de travail ne sont donc pas celles évoquées plus haut, elles sont bien meilleures. Néanmoins, les salaires restent très bas par rapport aux autres secteurs. Voici quelques détails de notre situation: 

  • le temps de travail des travailleuses/eurs permanents du Bercail est compris entre 30 et 45 heures par semaine (en moyenne). 
  • chaque travailleur/euse a droit à minimum 5 semaines de congés par an 
  • les congés ne sont pas payés
  • les salaires sont compris entre 8,5 et 12 € net par heure de travail (en fonction du statut et du type de contrat)
  • très peu de cotisations sociales (contrats précaires, statut d’indépendant,…)

Prenons un exemple: une bergère du Bercail a travaillé 30 heures par semaine à 9 € net/ heure en 2022. Son salaire était de +/- 1100 € par mois mais elle n’était pas payée pendant ses vacances, elle n’avait pas de pécule de vacances, pas de primes de fin d’année et elle avait un loyer de 600 € à payer. C’est vraiment rude!  

Face à cette réalité, La Coopérative du Chant des Cailles a demandé un financement d’Innoviris pour se faire accompagner par SAW-B (soutien au développement d’entreprises sociales) afin de trouver des solutions pour faire évoluer le modèle. Cet accompagnement aura lieu dans le courant de l’année 2023 et nous avons bon espoir de trouver des solutions pour pérenniser notre activité. 

Accessibilité aux plus démunis

Lorsqu’on compare les prix du Bercail avec ceux du Aldi ou du Colruyt, il est clair qu’ils sont plus chers. Néanmoins, la plue value environnementale, sociale et économique des produits du Bercail est gigantesque par rapport aux produits industriels dont l’empreinte écologique et sociale est désastreuse. 

En temps de crise énergétique, les ménages à faibles revenus doivent pourtant se serrer la ceinture et l’alimentation est sans doute un des secteurs dans lequel il est plus facile de faire des économies. 

Au Chant des Cailles, nous collaborons avec Le Logis-Floréal afin de favoriser l’accès à nos produits et à nos activités aux locataires les plus démunis de la société de logements sociaux. C’est dans ce contexte que le projet du Maraîchage du Chant des Cailles a développé depuis 2014 une fourchette de prix pour son abonnement, ce qui permet à des ménages plus aisés de soutenir des ménages en difficultés financières tout en maintenant un prix juste pour les agricultrices/teurs. 

En 2023, le Bercail a donc décidé de proposer une solution similaire pour son abonnement de produits laitiers. 

N’hésitez pas à nous faire vos remarques, suggestions et conseils à bercail@chantdescailles.be